Sortir de la crise économique.
Proposer comme sortie de la crise économique actuelle une politique de relance keynésienne, peut paraître de l’inconséquence ou de la méconnaissance des réalités et de l’actualité économique.
Or, comme toujours en économie, l’évidence n’est pas bonne conseillère. Ainsi aucun pays n’a jamais réussi à résoudre ses problèmes d’insolvabilité en période de stagnation, et encore moins de récession. C’est ce que démontre une fois encore l’évolution de la Grèce ou du Portugal. Rien n’est résolu, et rien ne se résoudra tant que les mêmes recettes seront appliquées. La logique comptable qui voudrait que la résorption du déficit passe par une diminution des dépenses et un accroissement des recettes fiscales, conduit à accentuer la récession, provoque la diminution des recettes fiscales, et ne permet pas de résoudre les problèmes de solvabilité.
Ne doutons pas que d’une façon ou de l’autre, des politiques de relance de la demande s’imposeront. Plus elles le seront tardivement, plus elles s’accompagneront de mesures d’exception pas forcément menées par des démocrates. Aussi il convient d’examiner les arguments de ceux qui s’opposent aux politiques de relance de la demande, puis aux conditions que ces politiques supposent.
Les politiques de relance keynésiennes ne fonctionnent plus du tout. Ce serait ce que l’on pourrait observer chaque jour qui passe, puisque les déficits budgétaires des pays développés n’ont jamais été aussi importants, et les taux de croissance aussi faibles que ces dix dernières années.
L’argument parait incontournable. Il ne l’est pas. En effet que serait il advenu, sans les importants déficits budgétaires de ces dix dernières années, en France ou au Japon, pour ne prendre que ces deux pays ? Il se serait produit un effondrement de la demande, et nous serions depuis longtemps en déflation.
Les politiques de relance keynésienne ne fonctionnent plus parce que les agents économiques n’y croient plus ;
Les politiques de relance keynésienne sont effectivement autos réalisatrices. Aussi un déficit budgétaire accompagné de la litanie sur la France en faillite et sur le caractère involontaire du déficit et la promesse de futures mesures d’austérité, ne peuvent convaincre les investisseurs que la croissance va redémarrer.
Il faudrait des déficits encore plus massifs pour signifier l’indifférence d’un gouvernement à la dictature des marchés. Car pour respecter les conditions autos réalisatrices d’une politique de relance, il est nécessaire d’imposer l’idée qu’un gouvernement soutiendra à n’importe quel prix la croissance pour qu’elle revienne effectivement. En effet c’est seulement si les entrepreneurs sont convaincus du redémarrage de la croissance qu’ils investiront
Malgré cette politique de persuasion, il restera toujours des agents économiques férus d’économie pour procéder à des anticipations rationnelles, voyant comme conséquence probable des déficits une cause certaine d’augmentation de leurs impôts, et s’y préparant en augmentant leur épargne, ce qui annulerait l’effet de relance du déficit. Cette idée repose sur une mauvaise interprétation des données disponibles. Effectivement si un déficit budgétaire permet de relancer la demande, il provoquera une augmentation des recettes fiscales, car les revenus provenant de la T.V.A de l’impôt sur les sociétés augmenteront grâce à l’amélioration de la conjoncture. Mais il s’agit d’une augmentation en volume, pas d’une augmentation de la pression fiscale liée à une augmentation des taux d’imposition. Notons d’ailleurs que l’augmentation des taux de T.V.A ont été rendus obligatoires à cause de la diminution de la croissance (confère la T.V.A sociale) C’est donc la récession qui conduit à l’augmentation de la fiscalité et non les politiques de relance. On peut même envisager une guerre fiscale comme celle pratiquée par l’Irlande en diminuant le taux d’imposition des sociétés, dans le cadre d’une politique de relance, sans diminuer les recettes de l’Etat, histoire par exemple, de favoriser les relocalisations, industrielles. C’est d’ailleurs ce type de keynésianisme dévoyé que l’administration Reagan a pratiqué avec succès : un déficit budgétaire massif provoqué par un double mouvement de diminution de la pression fiscale, et de relance de la commande publique.
Les politiques de relance keynésienne créaient de l’inflation.
Tant mieux, cela nous évitera la déflation, et permettra de rembourser avec moins de douleur nos dettes en ruinant les rentiers, et cela reste moins dangereux pour l’économie que la création monétaire illimitée organisée par les monétaristes de la Réserve fédérale et de la B.C.E.
Les politiques de relance keynésiennes ne fonctionnent qu’en économie fermée.
Autrement dit, une politique de relance dans une économie ouverte ne relance que les importations. Cette légende doit beaucoup à des circonstances politiques et à de médiocres ambitions. En effet les effets négatifs des politiques de relance apparaissent toujours avant les effets positifs, car il est plus souple de répondre à un surcroît de demande par une augmentation des importations ou une diminution des stocks. Mais l’investissement finit par redémarrer. Evidemment il est aisé de dénoncer les premiers effets pour réclamer des responsabilités ministérielles, puis de s’attribuer les effets positifs des plans de relance, une fois dans la place, et de les relier aux mérites d’une nouvelle politique d’austérité. C’est ce qui ’est produit en France après les plans de relance de 1974 et 1981.
Par ailleurs il reste à définir ce qu’est une économie fermée. Si notre pays est la France alors il faut effectivement protéger une industrie nationale. Si notre pays est l’Europe, alors il faut effectivement posséder une industrie européenne et la protéger. Si notre pays est le monde, alors il faut une politique de relance mondiale, c’est la véritable mission des institutions internationales, plutôt que d’imposer le dictat de la misère, comme à ce pauvre peuple grec.
Des politiques de relance keynésiennes fonctionneront d’autant mieux que des choix politiques seront (doivent être) effectués.
C’est d’ailleurs ce qui rend aveugles sourds muets ceux qui se sont laissés hypnotiser par les sirènes du tout marché (financier), ou qui trouvent leur compte dans une situation où ils ne souhaitent rien changer, ou alors le moins possible. Soyons clair il ne s’agit pas d’un débat droite gauche, il s’agit d’un débat entre le statut quo et le chao. Il n’y a qu’à voir les politiques pratiquées par les partis socialistes en Espagne et en Grèce pour comprendre qu’il faudrait élever le débat au dessus du problème de la conquête du pouvoir, ou de le conserver.
Pour qu’une politique de relance fonctionne, il faut qu’il y ait consommation, et pour qu’il y ait consommation il faut que la propension à consommer des ménages soit élevée, ce qui nécessite de faire à l’envers le chemin pris depuis tente ans en matière de politique des revenus. En effet les classes aisées épargnent beaucoup et la masse croissante du quart monde ne consomme par la force des choses, que chichement. Par conséquent il est nécessaire de favoriser le développement des revenus d’une classe moyenne la plus nombreuse possible afin que l’effet multiplicateur des politiques de relance soit optimum.
Certes les riches ont une fonction sociale importante : celle de faire rêver les moins riches afin de développer une émulation et une incitation à la réussite. Mais pour être certain d’épuiser toutes les bouteilles de champagne de la cave du navire, encore faut il être certain de ne pas avoir embarqué sur le Titanic.
Pour qu’une politique de relance fonctionne, il faut qu’il y ait consommation, et pour qu’il y ait consommation il faut que la propension à consommer des ménages soit élevée, ce qui nécessite de faire à l’envers le chemin pris depuis tente ans en matière de développement de l’épargne de précaution. L’épargne est l’ennemie de la consommation et là aussi il nous faut revenir en arrière pour assurer l’avenir. Ainsi la protection sociale, et particulièrement les retraites doivent faire l’objet d’un système de financement par répartition mutualisé, et non par capitalisation, plus ou moins individualisée, afin que les ménages consacrent leurs revenus à la consommation et non à l’épargne de précaution.
Diminuer cette épargne de précaution passe aussi par la conviction pour les ménages qu’ils n’auront jamais à assumer de lourdes dépenses, (éducation supérieure des enfants, retraite, chômage).
Aussi la question de la solvabilité est un faux problème. Seul le souverain décide si il est solvable ou non. Si le marché est le nouveau souverain il est à craindre qu’il se comporte comme un usurier. Par ailleurs le règne du tout marché a déjà conduit le monde au bord du gouffre par deux fois, en 1929 et en 2008. Aussi l’inconséquence n’est pas dans le camp de ceux qui souhaitent le réguler. Elle est dans le camp de ceux qui pensent que cette crise, est une parmi tant d’autres, qu’un nouveau cycle de progrès technique ou qu’une réduction des coûts de production suffiront à relancer la machine, et qu’il convient de gagner du temps. En réalité le temps qui nous reste est limité, parce que après la Grèce, pour laquelle rien n’est résolu, viennent le Portugal, L’Espagne, L’Italie, pays pour lesquels il ne suffira pas de multiplier la monnaie de singe et de pressurer les populations pour calmer la tempête.